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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/409

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excellent soit le dernier des misérables ? » se disait-il en lui-même.

Georges Darier demanda :

« Est-ce que vous avez enfin terminé votre tableau, mon cher tuteur ? Vous m’avez autorisé à dire : Mon tableau.

– Presque. Il reste quelques petits détails à mettre au point.

– S’agit-il d’une nouvelle œuvre que vous menez à bonne fin, mon cher artiste ? demanda Paul Harmant.

– À peu près nouvelle, mais pas tout à fait cependant, car si j’achève maintenant ce tableau, je l’ai commencé il y a vingt et un ans. C’est une scène dont j’ai fait le croquis d’après une nature à un moment bien rapproché de la mort de votre père, mon cher Lucien. J’ai dessiné cette scène le surlendemain du crime d’Alfortville, et la femme condamnée comme assassin de votre père en est le personnage principal. »

Étienne Castel, tout en parlant, rivait ses yeux sur le visage du grand industriel. Celui-ci restait impassible.

En même temps, l’artiste découvrait la toile, couverte d’une serge verte, occupant le panneau central de son atelier.

Étienne observait toujours le père de Mary. Il vit ses sourcils se contracter, mais cette contraction n’eut que la durée d’un éclair. Le peintre poursuivit :

« Cette scène rappelle le moment où Jeanne Fortier, réfugiée au presbytère de Chevry, chez l’oncle de Georges, fut arrêtée par les gendarmes.

– Et cet enfant ? demanda le millionnaire du ton le plus naturel.

– Cet enfant est le fils de Mme Darier, que vous voyez là, sœur de l’ecclésiastique qui se trouve ici. C’est Georges Darier, aujourd’hui votre avocat. Ce petit cheval de carton lui-même n’est point un accessoire de pure fantaisie. C’est un jouet dont Mme Darier avait fait cadeau à son fils, m’a-t-on dit.

– C’est un singulier hasard, s’écria l’ex-Jacques Garaud avec aplomb, qui vous a permis de reproduire l’image de cette misérable !