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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/410

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– En effet, certains hasards sont étranges. »

Lucien Labroue n’avait d’yeux que pour la figure de Jeanne, tandis que Georges ne cessait de regarder celle de Mme Darier qu’il croyait sa mère.

« C’est singulier ! dit Lucien, une ressemblance me frappe.

– Celle de Jeanne Fortier avec une jeune fille que vous connaissez, Melle Lucie, sans doute ? Cette ressemblance n’a rien d’étonnant, puisque Lucie est sa fille.

– C’est d’une autre ressemblance que je parle. Je puis m’abuser d’ailleurs, car la différence d’âge est grande. Il s’agit d’une femme de cinquante et quelques années.

– À quelle classe appartient cette femme ? demanda vivement le grand industriel.

– À la classe des travailleuses. C’est une pauvre créature honnête entre toutes, pleine de courage et d’énergie.

– Elle habite Paris ?

– Oui, depuis longtemps, je crois. Autrefois elle habitait Alfortville, où elle a, m’a-t-elle dit, connu mon père.

– Que faisait-elle alors ?

– Ce qu’elle fait aujourd’hui encore. Elle était porteuse de pain ; elle se nomme Lise Perrin… »

Étienne Castel venait de recouvrir son œuvre.

« Ce tableau ne m’appartient plus. Mon pupille Georges n’avait ni le portrait de sa mère, ni celui du curé Laugier, son oncle. Je lui ai donné cette toile, et je crois que pour une fortune il ne s’en séparerait pas.

– Vous pouvez en jurer, mon ami ! s’écria Georges.

– Maintenant, messieurs, proposa Jacques Garaud, ne pensez-vous pas qu’en attendant l’heure du dîner, il serait bon d’aller faire un tour au Bois ? »

Étienne Castel, qui avait reçu ses visiteurs en veston d’atelier, ajouta :

« Permettez-moi d’aller m’habiller, et je suis à vous. »

Tout en modifiant sa toilette, il pensait :

« Décidément, cet homme m’est suspect à bon droit.