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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/418

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on a fait des ennemis. Et ce n’est pas tout ! Une grande maison donnait du travail à la jeune fille. On alla trouver la maîtresse de cette maison et, devant la malheureuse enfant, on lui dit : « Cette jeune fille d’une femme condamnée pour le triple crime d’assassinat, de vol et d’incendie déshonore vos ateliers. Si vous la conservez, vos clientes vous quitteront. Ce sera la ruine de votre industrie. Chassez-la ! » Et on l’a chassée !

« Le désespoir alors s’est emparé d’elle ; sous la violence de ce dernier coup, elle vient de passer plusieurs jours entre la vie et la mort. La blessure saignante de son cœur ne se cicatrisera pas. Et vous dites que la loi est impuissante contre les misérables qui martyrisent ainsi une enfant innocente, et qui la tueront ! Eh bien, si la loi est ainsi, je vous le dis, monsieur, la loi est infâme !

– Mais de qui parlez-vous donc ? demanda Georges ému, agité, oppressé par le récit qu’il venait d’entendre.

– De qui je parle ? Je parle de Lucie Fortier.

– Je m’en doutais… Je l’avais deviné. Mais a-t-on poussé la cruauté jusqu’à faire perdre à Lucie son travail ?

– On l’a poussée jusque-là. Et on ne peut pas punir des actes pareils ?

– On peut flétrir, mais non les punir.

– Mais elle se meurt, la pauvre Lucie ! Voyons, monsieur. Vous êtes le meilleur ami de M. Lucien. Vous êtes le conseiller de M. Harmant, je le sais. Vous pouvez les voir tous les deux et les prier d’épargner Lucie. Que Melle Harmant fasse rendre à Lucie la position qu’elle lui a fait perdre ! Que M. Lucien revienne à elle et lui pardonne une faute qu’elle n’a point commise, elle sera sauvée. La pauvre enfant n’est pas responsable du passé de sa mère… et sa mère d’ailleurs pouvait être innocente… Sauvez-la, monsieur, sauvez-la ! »

Georges regardait la porteuse de pain avec une attention dévorante. Il paraissait étudier les lignes de son visage.