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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/445

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véritable, ne me ménageant point ; mais après ce que j’ai fait ce matin, j’arrête les frais. J’en ai assez. Je veux quitter Paris.

– Tu as peur ?

– Pas précisément. Mais enfin on ne sait ce qui peut arriver.

– Il me semble que si tout s’est passé comme tu viens de me le raconter, tu ne cours aucun risque.

– C’est mon opinion. Mais je ne dormirais sur mes deux oreilles que dans un autre pays que le mien.

– Où iras-tu ?

– Je retournerai en Amérique. C’est un pays qui me plaît. Je compte me rendre à Buenos Aires.

– Eh bien, je continuerai là-bas la rente que je te sers ici.

– Pas de ça, Lisette ! D’abord elle est maigrelette, la rente ! Et puis, supposons que tu dévisses ton billard. Qui est-ce qui me la servirait, cette rente ?

– Si le capital se trouvait entre tes mains, tu le gaspillerais en quelques mois, peut-être en quelques jours…

– Grand merci de ta sollicitude à mon égard ! N’empêche que je préfère un capital à une rente.

– Quelle somme exiges-tu de moi ?

– Je vais te dire tout de suite mon premier et mon dernier mot. Inutile de marchander. Je veux cinq cent mille francs.

– Tu les auras.

– On n’est pas plus gracieux ! Eh bien, je m’embarquerai au Havre de samedi en huit. Nous dînerons ensemble jeudi prochain, une dernière fois, et tu me donneras la somme. »

Les deux hommes quittèrent l’usine. Ovide aperçut un véhicule. Il l’arrêta. « Au Palais-Royal », dit-il.

En voyant Ovide se diriger vers le fiacre, Duchemin, aux aguets, redoubla d’attention. D’une main légère, il frappa deux ou trois petits coups contre la vitre, et le cocher qui n’attendait que ce signal poussa son cheval en avant. Au bruit de la voiture se mettant en marche,