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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/46

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sion ? Elle est toujours employée dans ton usine, je suppose ?

– Je suis obligé de me séparer d’elle.

– Tu la renvoies ! fit Mme Bertin avec surprise.

– Bien malgré moi… J’y suis forcé.

– Je comprends mal cela. La mort de son mari, tué à ton service, t’a créé vis-à-vis d’elle des devoirs impérieux.

– Je connais ces devoirs et ne compte point m’y soustraire. Jeanne Fortier est une brave et honnête créature, mais elle n’a pas ce qu’il faut pour remplir un emploi de surveillance, où l’énergie d’un homme est indispensable.

– Tu aurais dû y penser avant de l’employer.

– Elle a manqué et laissé manquer aux règlements de la maison, cela est d’un mauvais exemple et ne peut être toléré.

– Enfin, que va devenir cette pauvre créature ?

– C’est au point de vue de son avenir que je voulais te parler d’elle… Depuis longtemps, j’insiste auprès de toi pour qu’au lieu d’une femme de ménage tu prennes une domestique à demeure ; tu m’as toujours refusé.

– Je me trouve servie d’une façon très suffisante.

– Soit. Mais Jeanne serait pour toi une compagne au moins autant qu’une servante. Son petit garçon âgé de trois ans et demi deviendrait le camarade de Lucien. Plus tard, je lui ferais donner de l’éducation et je paierais ainsi ma dette à la veuve dont le mari est mort à mon service. Voyons, ma sœur, il faut accepter cette combinaison, il le faut absolument. J’ai été dur avec elle et je crois qu’elle m’en garde un peu rancune… Ne me refuse pas… Non seulement tu me ferais beaucoup de peine, mais encore, tu me mettrais dans un sérieux embarras.

– Je ne veux te causer ni embarras, ni chagrin, répliqua Mme Bertin. Tu peux m’envoyer Jeanne Fortier et son fils.

– Ah ! tu es vraiment bonne ! » s’écria M. Labroue en serrant avec effusion les mains de sa sœur.