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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/469

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ferons chanter ensuite ce que nous voudrons, même des gaudrioles.

– Vous m’assurez que ça ne peut pas l’indisposer !

– Je vous le jure, foi de Dijonnais et de bon enfant !

– Eh bien, alors, ça va !

– Je demanderai de la chartreuse afin d’arroser mon cadeau, et vous remplirez le verre de maman Lison.

– Mais, si j’en versais aux autres ? demanda la servante.

– Non, car on ne s’entendrait plus ; ça serait à qui parlerait le plus haut et chanterait le plus fort.

– Je tiendrai deux carafons et je ne verserai qu’à maman Lison de celui qui sera préparé. Où est-elle, votre liqueur ?

– Il faudrait me donner un carafon de chartreuse ; je la verserai moi-même, car vous pourriez en mettre de trop. »

La servante alla prendre un petit carafon de chartreuse. Ovide avait d’avance tiré de sa poche le flacon acheté à New York. Il retira du carafon la valeur d’un petit verre de chartreuse, qu’il remplaça par la même quantité de liqueur canadienne. Il agita pour opérer le mélange, reboucha le carafon et le tendit à Marianne en lui disant :

« Surtout, ne le mêlez pas avec les autres ! » Aucune des paroles échangées entre Ovide et Marianne n’avait échappé à Melle Amanda, nous le savons. Elle se demandait quelle était la personne qu’on appelait Maman Lison, et quel crime cet homme avait encore à commettre. Tout à coup elle releva la tête, tandis qu’une flamme s’allumait sous ses paupières. Elle jeta un regard sur Ovide qui venait de quitter sa chaise et allumait une cigarette. Il quitta la grande salle, traversa la boutique donnant sur la rue, et sortit du Rendez-vous des boulangers.

Amanda le vit s’éloigner, mais ne bougea point. Marianne vint débarrasser la table sur laquelle Ovide avait déjeuné.

Melle Amanda, approchant sa bouche du vasistas entrouvert, appela d’une voix basse :

« Mademoiselle Marianne ! »