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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/499

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« Tu sors ? lui demanda-t-elle.

– Non, je vais dans mon cabinet de travail.

– Oh ! tant mieux, père. Tu ne peux te figurer combien j’aurais peur, aujourd’hui, si je restais seule à l’hôtel… »

Paul Harmant, après avoir refermé sur lui la porte du cabinet de travail, se laissa tomber sur un fauteuil. Il sentait que la mort planait sur sa fille et de sombres pressentiments l’agitaient.

* * *

En quittant le Rendez-vous des boulangers, Jeanne avait couru droit devant elle, au hasard. Elle gagna les quais et les suivit dans la direction de Passy. En arrivant à l’esplanade des Invalides, la porteuse de pain se laissa tomber sur un banc.

« Tout est fini pour moi ! se dit-elle. On sait que je suis à Paris… On connaîtra bien vite ma demeure. »

Jeanne releva brusquement la tête en murmurant :

« Mais Jacques Garaud se dissimule sous le nom de Paul Harmant. Cet homme ne mentait pas. À cette heure il est certainement arrêté. Il parlera… il nommera son complice. Alors on saura que j’ai été condamnée injustement… Oui, mais si Jacques Garaud trouvait moyen d’échapper à la justice par la fuite ! Si le misérable qui a voulu me tuer rétractait ce qu’il a dit, où trouverai-je des preuves, moi. Et ce n’est pas moi, l’évadée de Clermont, qu’on croirait ! C’est lui, l’homme important, lui, le millionnaire… »

Le pont des Invalides était devant elle. Elle le prit, et se trouva dans les Champs-Élysées qu’elle remonta jusqu’à l’Arc de Triomphe, suivit machinalement l’avenue du Bois-de-Boulogne et s’engagea dans le bois. La nuit venait. La porteuse de pain se laissa tomber sur le gazon, sous les arbres, et donna libre cours à ses pleurs.

Prise de vertige, alors, Jeanne s’évanouit.

Lorsqu’elle se ranima, l’aube se levait.