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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/50

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annonçait un orage plus ou moins prochain, mais inévitable. À six heures, son travail mystérieux se trouvant fini, il mit dans son tiroir fermé à clef les pièces qu’il venait d’achever, quitta son tablier et reprit sa vareuse. Cela fait, il regarda sa montre.

« Encore une heure à rester ici… murmura-t-il. C’est plus de temps qu’il ne m’en faut pour écrire à Jeanne… »

Comme sept heures sonnaient à l’horloge de la fabrique, il fit tinter la cloche dont le son annonçait la fin du travail et glissa dans sa poche la lettre qu’il venait d’écrire. Jeanne, debout sur le seuil de sa loge, regardait les ouvriers sortir les uns après les autres. Le petit Georges, dans la chambre, menait grand tapage, tirait par la ficelle son dada de carton, et le frappait, non pas avec la mèche mais avec le manche de son fouet. Or, un coup fut si rigoureusement appliqué que ce manche fendit le carton du ventre sur une longueur de quatre à cinq centimètres. L’enfant tout penaud regarda d’un œil consterné la blessure béante. De peur d’être grondé, il ne dit rien, ne fit plus de bruit et ramassant quelques fragments de journaux à gravures que sa mère lui avait donnés, il les roula en forme de tampon et les introduisit dans le ventre du cheval que l’étoupe remplissait imparfaitement ; mais il restait encore un vide assez notable, et le gamin, n’ayant plus de papier, se remit à jouer.

Le dernier des ouvriers avait quitté la fabrique. M. Ricoux passa, suivi bientôt par le garçon de bureau David. Il ne restait dans l’usine que Jacques. Jeanne attendait avec autant d’impatience que d’anxiété la sortie du contremaître.

Les dernières paroles prononcées par lui la veille ne pouvaient s’éloigner de sa pensée.

« Demain, avait-il dit, notre sort à tous deux serait fixé. Demain arrivera vite, et en quelques heures, il se passe bien des choses. »

Au bout d’un quart d’heure, Garaud parut, tenant à la main des feuilles de présence, et se dirigea vers la loge. Jacques s’avançait, mais lentement.

Ils se trouvèrent en face l’un de l’autre, se regardant