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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/503

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– Eh bien, je sonnerai, moi ! »

Et la fille de Paul Harmant se dirigea vers la cheminée.

« Mary… Mary… balbutia le misérable en l’arrêtant du geste, non… non… N’appelle pas… ne sonne pas !

– Pourquoi donc ?

– C’est moi qui vais répondre, dit Jeanne Fortier ; il ne veut pas qu’on sache que Paul Harmant est Jacques Garaud, le voleur, l’incendiaire et l’assassin ! Après vingt et un ans de ténèbres et d’impunité, il sait que la lumière va briller enfin, et il tremble…

– Ah ! taisez-vous ! Pitié pour ma fille !

– Avez-vous eu pitié de mes enfants ? Ne croient-ils pas, grâce à vous, que leur mère est une misérable, une infâme ? Je veux, moi, que votre fille sache qu’après avoir livré ma fille au couteau de son complice, vous avez voulu la tuer par le désespoir…

– Ah ! tais-toi ! tais-toi ! ou sinon… »

Mais déjà Mary s’était jetée entre lui et la visiteuse.

« Je veux que cette femme parle ! » dit-elle.

Dompté par le regard de sa fille, le millionnaire se laissa tomber sur un fauteuil. Jeanne poursuivit :

« Il y a vingt et un ans, cet homme a volé, incendié, assassiné, et, joignant à tant de crimes un crime plus lâche encore peut-être, a fait croire à sa mort héroïque et m’a laissé condamner à sa place ; il a pris un faux nom et il a épousé votre mère !

– Tais-toi ! Mais tais-toi donc ! bégaya l’industriel.

– Parlez ! je le veux ! dit Mary pour la seconde fois.

– En Amérique, il fit une immense fortune, et il revint vivre heureux en France, tandis que j’agonisais lentement en prison. Voulant avant de mourir revoir mes enfants, je m’évadai. Lui aussi les cherchait, le misérable, et le hasard le mit d’abord en face du fils de l’homme assassiné par lui jadis, Lucien Labroue, qu’il voulait vous donner pour mari.

Lucien Labroue aimait ma fille, poursuivit Jeanne, votre père eut l’audace de lui dire : « Celle que vous aimez est la fille de la misérable qui a tué votre père ! »