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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/52

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faite, Jacques perd la tête, je disais bien ! Il prend ses rêveries ambitieuses pour des réalités !… À moins qu’il ne me tende un piège. Sachant que je vais me trouver aux prises avec le besoin, il espère peut-être que l’appétit de l’argent me jettera dans ses bras !… Si c’est un piège, il est grossier… je n’y tomberai point ! »

En disant ces mots, Mme Fortier froissa la feuille de papier, la pétrit entre ses doigts et la lança sur le pavé où elle roula jusqu’à l’un des angles de la pièce. Georges avait cessé de jouer pour suivre du regard la pantomime expressive de sa mère. Il vit la petite boule de papier s’abattre sur le parquet et rouler. Il alla ramasser le papier et sans le dérouler, il s’empressa de l’introduire dans le ventre de son cheval de carton.

« Il en tiendrait encore », fit-il en cherchant du regard.

Pendant ce temps, Jeanne avait allumé les réverbères qui, chaque nuit, éclairaient les cours de l’usine. Le temps était sombre, l’atmosphère lourde. D’instant en instant, des éclairs silencieux sillonnaient le ciel de couleur d’encre.

« Georges, dit Jeanne à son fils en rentrant, nous allons avoir de l’orage. Dînons vite et tu iras te coucher.

– Si ça fait boum ! boum ! tu me laisseras revenir près de toi ?

– Je te le promets ! »

À neuf heures et demie, Georges reposait dans son petit lit, entouré de ses jouets que, par une manie enfantine, il montait avec lui chaque soir au premier étage. Mme Fortier avait l’habitude de faire une ronde entre dix heures et demie et onze heures, avant de se coucher. Elle attendait en travaillant le moment de cette ronde. L’orage prévu approchait rapidement. Aux éclairs de plus en plus fréquents, des coups de tonnerre succédèrent au loin. Bientôt le vent se mit de la partie, et la tempête se déchaîna dans toute sa force. Jeanne, en travaillant, pensait à Jacques. Elle sentait s’affermir en son esprit la conviction que le contremaître cherchait à l’attirer dans un piège d’où son honneur ne sortirait pas. Onze heures sonnèrent. Jeanne se leva et voulut quitter la loge pour faire sa ronde accoutumée. Au