Aller au contenu

Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Non… non… j’ai peur… ne t’en va pas… Reste près de moi… »

Et plus que jamais l’enfant se cramponnait de la main droite à la robe de Jeanne, tandis que de la main gauche, il tenait son cheval de carton. Mme Fortier le prit dans ses bras, descendit, ouvrit la porte de la loge, et sortit dans la cour sous la pluie et regarda du côté du pavillon de M. Labroue.

Tout à coup une lueur rougeâtre et vacillante éclaira les ténèbres. Cette lueur venait des ateliers. Jeanne, épouvantée, se dirigea en courant vers les bâtiments de la fabrique. Vingt pas tout au plus la séparaient du pavillon, quand elle entendit d’une façon nette et distincte cet appel :

« À moi !… Au secours. »

Puis, immédiatement après, retentit dans le silence un cri terrible, un cri d’agonie. À ce cri, une sorte de râle succéda, puis plus rien. Jeanne ne ralentit point sa course. Bientôt elle atteignit le seuil du pavillon dont les fenêtres à leur tour s’éclairaient de lueurs ardentes. Une exclamation d’horreur s’échappa de ses lèvres. Elle apercevait dans le couloir Jacques brandissant un couteau et à ses pieds M. Labroue, étendu inanimé, sanglant. La jeune femme laissa son enfant glisser de ses bras.

« Misérable ! Assassin ! cria-t-elle. Je n’avais pas compris le sens de la lettre infâme ! Tu m’offrais de m’enrichir avec de l’or ramassé dans le sang ! misérable ! misérable ! »

Le contremaître bondit jusqu’à Jeanne.

« Ah ! tu comprends, à présent ! lui dit-il avec un cynisme effroyable. Mieux vaut tard que jamais ! Eh bien, suis-moi !

– Jamais !

– Si tu ne me suis pas volontairement, je t’y contraindrai.

– Jamais ! J’appellerai au secours.

– Tais-toi, ou je tue ton enfant ! Suis-moi, et hâtons-nous, car dans quelques instants tout va s’écrouler. »

Et le contremaître entraîna Jeanne et Georges dans la