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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/67

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comptes du caissier, avant le départ du patron. Comment ne me suis-je point souvenue que cette somme de près de deux cent mille francs dont parlait la lettre était justement celle qui se trouvait en caisse ? Comment ne me suis-je pas cramponnée à ses vêtements en criant : « Voilà le coupable ! » Il m’aurait tuée… Eh bien, après ? Mieux vaudrait cent fois être morte qu’en présence d’une accusation monstrueuse et d’une justification impossible !

– Petite maman, dit l’enfant, j’ai faim. »

La malheureuse mère reçut en plein cœur un coup violent. Elle fouilla la poche de sa robe, espérant y trouver son porte-monnaie. Espérance vaine ! Elle avait laissé ce porte-monnaie sur un meuble de sa loge. Sa poche ne contenait que six sous.

« Je suis fatigué, maman… je ne peux plus marcher.

– Je te porterai, mon mignon. »

Et, soulevant Georges dans ses bras, Jeanne regarda la route. Elle alla ainsi droit devant elle pendant une heure, haletante, usant ses forces. Jeanne aperçut des maisons, un village. Elle pressa le pas. À cent pas environ des premières maisons elle fit halte et posa l’enfant à terre, se sentant à bout.

« Veux-tu m’attendre ici, mon mignon ? dit Jeanne à son fils. Je vais te chercher à déjeuner… Dans le bois tu n’auras pas peur ?

– Non, petite maman. »

Il s’étendit sur les feuilles, serrant son cheval de carton contre sa poitrine.

« Il va s’endormir, pensa Jeanne. J’aime mieux cela… »

Mme Fortier se dirigea, aussi vite que le lui permirent ses jambes chancelantes, vers le village qu’elle avait aperçu. Des boutiques commençaient à s’ouvrir. On regarda Jeanne avec une curiosité manifeste qui lui causa autant de trouble que d’inquiétude. Elle franchit le seuil d’une épicerie et demanda une tablette de chocolat de dix centimes. En sortant du magasin, elle entra chez le boulanger où elle se fit servir pour quatre