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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/92

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« Vous ne comptez pas rester dans le village où vous êtes.

– Je voudrais y rester… balbutia Jeanne tremblante ; je voudrais être au bout de mon voyage…

– Comment cela ? demanda l’abbé.

– Quand j’ai sonné à votre porte, je venais solliciter à genoux votre appui pour m’aider à trouver dans ce village un emploi, me permettant de vivre et d’élever mes deux enfants.

– Vous avez deux enfants ?

– Oui, monsieur, une petite fille de onze mois en nourrice… et mon petit garçon Georges qui a trois ans et demi.

– Mais, le père de vos enfants ? »

Jeanne répondit d’une voix à peine distincte :

« Il est mort.

– Mais pour vous chercher une place, pour vous présenter quelque part, il faut que je sache qui vous êtes. Avez-vous des papiers attestant votre identité ?

– Des papiers ? » balbutia-t-elle.

La jeune femme se mit à trembler de tout son corps.

« Oui. Vous devez bien comprendre que pour être admise dans une maison quelconque, vous, étrangère au pays, il faudra donner des références. »

Le trouble de la malheureuse n’échappa point au prêtre.

« Comment vous nommez-vous ?… poursuivit-il.

– Jeanne… répondit la jeune femme.

– C’est un prénom cela. Puisque vous avez été mariée, vous devez porter le nom de votre mari. Eh bien ? Ce nom ? »

Le mensonge, l’hésitation même, devenaient impossibles.

« Jeanne Fortier… bégaya la fugitive.

– Jeanne Fortier ! Et vous venez d’Alfortville. »

La victime de Jacques Garaud se leva d’un bond.

« Ah s’écria-t-elle. Vous savez tout !

– Oui, je sais tout, fit le prêtre. Je sais que vous êtes poursuivie, traquée par la police…

– Moi ! moi ! Et de quoi m’accuse-t-on ?

– D’avoir mis le feu à l’usine et assassiné M. Labroue.