Aller au contenu

Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mme Darier le prit dans ses bras et lui dit :

« Mon mignon, ta petite mère est obligée de partir, mais elle reviendra bientôt. En l’attendant, veux-tu rester avec moi ?

– Avec vous et avec monsieur le curé ? fit Georges.

– Oui, avec nous deux.

– Je veux bien, si petite mère me promet qu’elle reviendra… »

Jeanne suffoquait.

« Oh ! prenez-le !… prenez-le !… dit-elle avec désespoir. Aimez-le bien… Parlez-lui de sa mère… Oui, cher mignon, reste avec la bonne dame et avec M. le curé… Reste avec eux… »

Puis, se tournant vers les gendarmes :

« Emmenez moi !… je suis prête… »

Et elle s’élança vers la grille. L’enfant poussait des cris lamentables. Mme Darier l’emporta dans la maison où Brigitte les suivit. Au moment de franchir le seuil, Jeanne se tourna vers le prêtre :

« Votre bénédiction, mon père », lui dit-elle.

Et elle s’agenouilla devant lui. L’abbé Laugier, attendri jusqu’aux larmes, étendit ses deux mains sur la tête de l’humble martyre en balbutiant, car l’émotion lui serrait la gorge :

« Au nom du Dieu de justice et de bonté, je vous bénis. Puisse la justice des hommes ne pas être aveugle : si les apparences sont contre vous, moi je crois à votre innocence. »

L’abbé Laugier lui tendit les bras.

« Allez, mon enfant, dit le prêtre. Soyez forte. »

Le lendemain, Jeanne partait pour Paris en chemin de fer avec deux gendarmes, et on l’écrouait au dépôt de la préfecture de police et Étienne Castel se disait :

« J’ai trouvé mon tableau ! À l’exposition prochaine, on parlera de moi ! »

* * *

Jacques Garaud avait pris, sous le nom de Paul Harmant, sa place sur un paquebot faisant le service du Havre à Southampton. De là il avait gagné Londres