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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/98

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afin de s’embarquer sur le premier navire en partance pour l’Amérique.

L’article publié par les journaux au sujet de l’incendie de la fabrique d’Alfortville et dans lequel on parlait de sa mort héroïque, était tombé sous ses yeux. Il se réjouissait fort de la tournure que prenaient les affaires ; tout marchait au gré de ses désirs.

Rejoignons Jeanne Fortier…

Aussitôt que M. Delaunay, juge d’instruction chargé de l’affaire, apprit l’arrestation de Jeanne et son arrivée au dépôt de la préfecture, il donna l’ordre de l’amener immédiatement dans son cabinet. La malheureuse femme était préparée à tout. Le courage, la résolution, l’énergie avaient remplacé chez elle la faiblesse, la défaillance et le découragement. Aussi ce fut avec calme qu’elle affronta la présence du magistrat de qui dépendait son sort. M. Delaunay commença l’interrogatoire.

« Votre nom ? demanda-t-il.

– Jeanne Fortier.

– Votre âge ?

– Vingt-six ans, je suis née à Paris le 15 octobre 1835.

– Célibataire ou mariée ?

– Veuve de Pierre Fortier, en son vivant mécanicien, mort au service de M. Labroue, qu’on m’accuse d’avoir assassiné pour le voler, après avoir incendié son usine. »

Cette phrase fit lever la tête du juge d’instruction.

Après un moment de silence, il dit :

« Vous savez de quoi l’on vous accuse… Qu’avez-vous à répondre ?

– Trois mots seulement ! Je suis innocente !

– Si vous étiez innocente, pourquoi auriez-vous quitté l’usine et pris la fuite avec votre enfant, au lieu d’appeler au secours lorsque l’incendie s’est déclaré ? »

Jeanne parut se recueillir.

« Répondez ! fit le juge avec impatience.

– À quoi bon ? Vous ne me croirez pas.

– Vous niez avoir assassiné M. Labroue ?