Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/232

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le bataillon des Boeotiens et les charger en queue, quelque certaine victoire qu’il en previst, estimant qu’il y avoit plus d’art que de vaillance ; et, pour montrer sa proesse d’une merveilleuse ardeur de courage, choisit plustost de leur donner en teste : mais aussi y fut-il bien battu et blessé, et contraint en fin de se desmesler et prendre le party qu’il avoit refusé au commencement, faisant ouvrir ses gens pour donner passage à ce torrent de Boeotiens ; puis, quand ils furent passez, prenant garde qu’ils marcheoyent en desordre comme ceux qui cuidoient bien estre hors de tout dangier, il les fit suivre et charger par les flancs ; mais pour cela ne les peut-il tourner en fuite à val de route ; ains se retirarent le petit pas, montrant tousjours les dens, jusques à ce qu’ils se furent rendus à sauveté.



Chapitre 46 :
Des Noms



QVelqve diversité d’herbes qu’il y ait, tout s’enveloppe sous le nom de salade. De mesme, sous la consideration des noms, je m’en voy faire icy une galimafrée de divers articles. Chaque nation a quelques noms qui se prennent, je ne sçay comment, en mauvaise part : et à nous Jehan, Guillaume, Benoit. Item, il semble y avoir en la genealogie des Princes certains noms fatalement affectez : comme des Ptolomées à ceux d’Aegypte, de Henris en Angleterre, Charles en France, Baudoins en Flandres, et en nostre ancienne Aquitaine des Guillaumes, d’où l’on dict que le nom de Guienne est venu : par un froid rencontre, s’il n’en y avoit d’aussi cruds dans Platon mesme. Item, c’est une chose legiere, mais toutefois digne de memoire pour son estrangeté et escripte par tesmoing oculaire, que Henry, Duc de Normandie, fils de Henry second, Roy d’Angleterre, faisant un festin en France, l’assemblée de la noblesse y fut si grande que, pour