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CHAPITRE XV.

puleuse assemblée des jeux olympiques ; les uns s’y exercent le corps pour en acquérir la gloire des jeux ; d’autres y portent des marchandises à vendre pour le gain ; il en est, et qui ne sont pas les pires, lesquels n’y cherchent autre fruit que de regarder comment et pourquoi chaque chose se fait, et être spectateurs de la vie des autres hommes, pour en juger et régler la leur.

Aux exemples se pourront proprement assortir tous les plus profitables discours de la philosophie, à laquelle se doivent toucher les actions humaines, comme à leur règle. On lui dira ce que c’est que savoir et ignorer, qui doit être le but de l’étude ; ce que c’est que vaillance, tempérance et justice ; ce qu’il y a à dire entre l’ambition et l’avarice, la servitude et la sujétion, la licence et la liberté ; à quelles marques on connaît le vrai et solide contentement ; jusqu’où il faut craindre la mort, la douleur et la honte ; quels ressorts nous meuvent, et le moyen de tant de divers branles en nous ; car il me semble que les premiers discours de quoi on lui doit abreuver l’entendement, ce doivent être ceux qui règlent ses mœurs et son sens, qui lui apprendront à se connaître et à savoir bien mourir et bien vivre.

Entre les arts libéraux, commençons par l’art qui nous fait libres ; ils servent tous voirement en quelque manière à l’instruction de notre vie et à son usage, comme toutes autres choses y servent en quelque manière aussi ; mais choisissons celui qui y sert directement et professoiremcnt. Si nous savions restreindre les appartenances de notre vie à leurs justes et naturelles limites, nous trouverions que la meilleure part des sciences qui sont en usage est hors de, notre usage ; et en celles mêmes qui le