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LETTRES PERSANES.


l’attentat aussi loin qu’une pareille conduite devrait le faire croire, et qu’elles portent la débauche à cet excès horrible, qui fait frémir, de violer absolument la foi conjugale. Il y a bien peu de femmes assez abandonnées, pour aller jusque-là : [1] elles portent toutes dans leur cœur un certain caractère de vertu, qui y est gravé, que la naissance donne, et que l’éducation affaiblit, mais ne détruit pas. Elles peuvent bien se relâcher des devoirs extérieurs que la pudeur exige ; mais, quand il s’agit de faire les derniers pas, la nature se révolte. Aussi, quand nous vous enfermons si étroitement, que nous vous faisons garder par tant d’esclaves, que nous gênons si fort vos désirs, lorsqu’ils volent trop loin ; ce n’est pas que nous craignions la dernière infidélité : mais c’est que nous savons que la pureté ne saurait être trop grande, et que la moindre tache peut la corrompre.

Je vous plains, Roxane. Votre chasteté, si longtemps éprouvée, méritait un époux qui ne vous eût jamais quittée, et qui pût lui-même réprimer les désirs que votre seule vertu sait soumettre.

De Paris, le 7 de la lune de regeb, [2] 1712.

  1. A. C. Assez abandonnées pour porter le crime si loin.
  2. Redjeb, septième mois de l’année musulmane.