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LETTRE XCV.



LETTRE XCV.


USBEK AU MÊME.


Les magistrats doivent rendre la justice de citoyen à citoyen : chaque peuple la doit rendre lui-même de lui à un autre peuple. Dans cette seconde distribution de justice, on ne peut employer d’autres maximes que dans la première.

De peuple à peuple, il est rarement besoin de tiers pour juger, parce que les sujets de dispute sont presque toujours clairs et faciles à terminer. Les intérêts de deux nations sont ordinairement si séparés, qu’il ne faut qu’aimer la justice pour la trouver ; on ne peut guère se prévenir dans sa propre cause.

Il n’en est pas de même des différends qui arrivent entre particuliers. Comme ils vivent en société, leurs intérêts sont si mêlés et si confondus, il y en a de tant de sortes différentes, qu’il est nécessaire qu’un tiers débrouille ce que la cupidité des parties cherche à obscurcir.

Il n’y a que deux sortes de guerres justes : les unes qui se font pour repousser un ennemi qui attaque ; les autres, pour secourir un allié qui est attaqué.

Il n’y aurait point de justice de faire la guerre pour des querelles particulières du prince, à moins que le cas ne fût si grave qu’il méritât la mort du prince, ou du peuple qui l’a commis. Ainsi un prince ne peut faire la