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LETTRES PERSANES.


encore que pour marquer le lieu où étaient ces cités puissantes dont l’histoire a tant parlé.

Il y a des gens qui prétendent que la seule ville de Rome contenait autrefois plus de peuple qu’un grand royaume de l’Europe [1] n'en a aujourd’hui. [2] Il y a eu tel citoyen romain qui avait dix, et même vingt mille esclaves, sans compter ceux qui travaillaient dans les maisons de campagne ; et, comme on y comptait quatre ou cinq cent mille citoyens, on ne peut fixer le nombre de ses habitants, sans que l’imagination ne se révolte.

Il y avait autrefois, dans la Sicile, de puissants royaumes, et des peuples nombreux, qui en ont disparu depuis : cette île n’a plus rien de considérable que ses volcans.

La Grèce est si déserte, qu’elle ne contient pas la centième partie de ses anciens habitants.

L’Espagne, autrefois si remplie, ne fait voir aujourd’hui que des campagnes inhabitées, et la France n’est rien en comparaison de cette ancienne Gaule dont parle César. [3]

Les pays du Nord sont fort dégarnis ; et il s’en faut bien que les peuples y soient, comme autrefois, obligés de se partager, et d’envoyer dehors, comme des essaims, des colonies et des nations entières, chercher de nouvelles demeures. [4]

La Pologne et la Turquie en Europe n’ont presque plus de peuples.

  1. A. C. Que le plus grand royaume de l’Europe.
  2. C’est un paradoxe. La superficie de Rome, déterminée par son ancien mur d’enceinte, qui subsiste encore, prouve que la population qui a vécu dans cette enceinte n’a pu s’élever à un chiffre très-élevé.
  3. C’est un paradoxe. La Gaule de César était couverte de forts. Conf. Grandeur et décadence des Romains, ch. XVI.
  4. L’Allemagne n’a pas cessé d’émigier.