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LETTRE CXVII.


les pestes et les guerres les plus sanglantes n’ont jamais fait. On voit, dans chaque maison religieuse, une famille éternelle, où il ne naît personne, et qui s’entretient aux dépens de toutes les autres. Ces maisons sont toujours ouvertes, comme autant de gouffres où s’ensevelissent les races futures.

Cette politique est bien différente de celle des Romains, qui établissaient des lois pénales contre ceux qui se refusaient aux lois du mariage, et voulaient jouir d’une liberté si contraire à l’utilité publique.

Je ne te parle ici que des pays catholiques. Dans la religion protestante, tout le monde est en droit de faire des enfants ; elle ne souffre ni prêtres, ni dervis ; et si, dans l’établissement de cette religion, qui ramenait tout aux premiers temps, ses fondateurs n’avaient été accusés sans cesse d’intempérance, il ne faut pas douter qu’après avoir rendu la pratique du mariage universelle, ils n’en eussent encore adouci le joug, et achevé d’ôter toute la barrière qui sépare, en ce point, le Nazaréen et Mahomet.

Mais, quoi qu’il en soit, il est certain que la religion donne aux protestants un avantage infini sur les catholiques.

J’ose le dire : dans l’état présent où est l’Europe, il n’est pas possible que la religion catholique y subsiste cinq cents ans.

Avant l’abaissement de la puissance d’Espagne, les catholiques étaient beaucoup plus forts que les protestants. Ces derniers sont peu à peu parvenus à un équilibre [1] Les protestants deviendront plus riches et plus puissants, et les catholiques plus faibles.

  1. A. C. A un équilibre ; et aujourd’hui la balance commence à l’emporter de leur côté ; cette supériorité augmentera tous les jours ; les protestants, etc.