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ÉLOGE


législation qui rendrait les hommes les plus heureux, il contient tous les matériaux dont ce système devrait être formé. Plusieurs y sont déjà mis en œuvre, les autres y sont contenus ; ils y sont, non comme les métaux et les pierres précieuses se trouvent dans leurs mines, séparés, et mêlés de matières hétérogènes : ici tout est pur, tout est diamant ou or. Ce qu’on y pourrait désirer ce serait un ordre plus exact, qui formât de toutes ces parties un tout, qui n’en laissât pas quelques-unes briller hors de leur place, qui les appropriât toutes à l’ouvrage. Mais ce serait alors ce système parfait de législation, qui ne saurait être l’ouvrage des hommes.

Cette dispersion de matière fit dire à une personne de beaucoup d’esprit, [1] que l’Esprit des lois n’était que de l’Esprit sur les lois. Je ne sais si le titre que M. de Montesquieu a donné à son livre est celui qui lui était le plus propre ; mais ce livre sera toujours celui qui contient ce qu’on pouvait dire de mieux sur les lois.

Il est tel ouvrage composé dans les universités, auquel un enchaînement de propositions a donné un air de profondeur et de méthode, qui ne vaut pas un seul chapitre du livre de l’Esprit des lois, où après avoir traité longuement et pesamment des matières que M. de Montesquieu a épuisées, en ne paraissant que les effleurer, on ne les a qu’à peine effleurées. Et quant à ce prétendu ordre que ces auteurs ont cru mettre dans leurs ouvrages, ce n’est le plus souvent que parce qu’ils ne voyaient pas si bien que M. de Montesquieu, qu’ils ont lié des choses qu’il a laissées séparées.

Nous ne dissimulerons pas qu’il nous semble que M. de Montesquieu, pour expliquer les causes des variétés qu’on observe dans les mœurs des différents peuples, dans leurs lois, dans leurs formes de gouvernement, dans leur religion même, avait trop donné au climat, au degré de chaleur, à l’air qu’on respire, aux aliments dont on se nourrit, et que quelques

  1. Mme du Deffand.