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ÉLOGE


M. de Montesquieu désespérait. Le sort singulier d’une critique de l’Esprit des lois mérite qu’on en parle. L’auteur s’était donné beaucoup de peine pour composer contre M. de Montesquieu un gros ouvrage qui allait paraître. Ses amis lui conseillèrent de relire l’Esprit des lois : il le lut ; la crainte et le respect le saisirent, et son ouvrage fut supprimé. [1]

Quelques plumes excellentes prirent la défense de M. de Montesquieu, et quand il n’aurait pas trouvé de défenseurs, il était en droit de mépriser ; il daigna répondre. Quoiqu’il n’ait point avoué une Défense de l’Esprit des lois qui parut, on ne saurait l’attribuer à un autre qu’à lui, parce qu’elle est digne de lui. [2]

II n’eût pas été moins facile à reconnaitre dans un dialogue entre Sylla et Eucrate, dans son Lysimaque et dans son Temple de Gnide, ouvrage d’un genre différent, mais rempli de tant de charmes qu’il semble composé sur l’autel de la déesse ; sorti de la plume de M. de Montesquieu, il prouve que la sagesse ne proscrit point la volupté.

Il serait trop tard pour nous excuser de nous être tant étendus sur ces ouvrages ; peut-être trouverait-on que nous n’avons pas besoin d’excuse. Un excellent écrivain a dit que la vie des philosophes ne devait être que l’histoire de leurs travaux ; je n’excepte que celle de ces hommes qui nous ont donné des exemples de vertu, aussi précieux que leurs ouvrages.

Aussitôt que Sa Majesté prussienne m’eût confié l’administration de son académie, je crus ne pouvoir rien faire de plus propre à augmenter son lustre que d’y proposer M. de Montesquieu. L’Académie sentit ce qu’elle gagnait dans une telle

  1. C’est l’ouvrage de M. Dupin, qui ne fut pas mis dans le commerce, mais dont il reste des exemplaires.
  2. Il ne me cacha point qu’il en était l’auteur. Voici ce qu’il m’écrivait :

    « Mme d'Aiguillon m'envoya demander pour vous ma Défense de l'Esprit des Lois, et ne m'ayant donné pour cela qu'un quart d'heure, je n'ai pu vous envoyer qu'un exemplaire broché, etc.  » (Maup.)