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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t1.djvu/443

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LETTRE CXXXV.


nètes. Nous nous servons, lui repartis-je, de l’astrologie, comme vous vous servez de l’algèbre. [1] Chaque nation a sa science, selon laquelle elle règle sa politique. Tous les astrologues ensemble n’ont jamais fait tant de sottises en notre Perse, qu’un seul de vos algébristes en a fait ici. Croyez-vous que le concours fortuit des astres ne soit pas une règle aussi sûre que les beaux raisonnements de votre faiseur de système ? [2] Si l’on comptait les voix là-dessus en France et en Perse, ce serait un beau sujet de triomphe pour l’astrologie ; vous verriez les calculateurs [3] bien humiliés : quel accablant corollaire n’en pourrait-on pas tirer [4] contre eux ?

Notre dispute fut interrompue, et il fallut nous quitter.

De Paris, le 26 de la lune de rhamazan, 1719.

  1. Montesquieu prend ici les mots d’algèbre et d’algébristes dans un sens tout particulier. L’algèbre répond aux calculs imaginaires des faiseurs de système. V. inf., lettre CXXXVIII. Ce n’est pas Montesquieu qui a inventé ce sens du mot ; témoin l’épitaphe de Law, qu’on fit par dérision en novembre 1720, lors de la chute du système :

    Ci-gît cet Écossais célèbre,
    Ce calculateur sans égal
    Qui, par les règles de l’algèbre,
    A mis la France à l’hôpital.
    Mémoires de Mathieu Marais, t. I, p. 481.

  2. Law.
  3. A. C. Vous verriez les mathématiciens.
  4. A. C. En pourrait-on tirer.