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LETTRES PERSANES.



LETTRE CXXXVI.


RICA AU MÊME.


Dans l’entrevue suivante, mon savant me mena dans un cabinet particulier. Voici les livres d’histoire moderne, me dit-il. Voyez, premièrement, les historiens de l’Église et des papes ; livres que je lis pour m’édifier, et qui font souvent en moi un effet tout contraire.

Là, ce sont ceux qui ont écrit de la décadence du formidable empire romain, qui s’était formé du débris de tant de monarchies, et sur la chute duquel il s’en forma aussi tant de nouvelles. Un nombre infini de peuples barbares, aussi inconnus que les pays qu’ils habitaient, parurent tout à coup, l’inondèrent, le ravagèrent, le dépecèrent, et fondèrent tous les royaumes que vous voyez à présent en Europe. Ces peuples n’étaient point proprement barbares, puisqu’ils étaient libres ; mais ils le sont devenus depuis que, soumis pour la plupart à une puissance absolue, ils ont perdu cette douce liberté, si conforme à la raison, à l’humanité et à la nature.

Vous voyez ici les historiens de l’empire d’Allemagne, qui n’est qu’une ombre du premier empire ; [1] mais qui est, je crois, la seule puissance qui soit sur la terre que la

  1. A. C. Les historiens de l'Allemagne, laquelle n'est que l'ombre du premier empire.