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LETTRES PERSANES.



LETTRE CXXXVIII.


RICA A IBBEN.


A SMYRNE.


Les ministres se succèdent et se détruisent ici comme les saisons ; depuis trois ans, j’ai vu changer quatre fois de système sur les finances. On lève aujourd’hui les tributs en Turquie et en Perse, comme les levaient les fondateurs de ces empires ; [1] il s’en faut bien qu’il en soit ici de même. Il est vrai que nous n’y mettons pas tant d’esprit que les Occidentaux. Nous croyons qu’il n’y a pas plus de différence entre l’administration des revenus du prince et celle des biens d’un particulier, [2] qu’il y en a entre compter cent mille tomans, ou en compter cent ; mais il y a ici bien plus de finesse et de mystère. Il faut que de grands génies travaillent nuit et jour ; qu’ils enfantent sans cesse, et avec douleur, de nouveaux projets ; qu’ils écoutent les avis d’une infinité de gens qui travaillent pour eux sans en être priés ; qu’ils se retirent et vivent dans le fond d’un cabinet impénétrable aux grands, et sacré aux petits ; qu’ils

  1. A. On lève aujourd’hui en Perse et en Turquie les subsides de la même manière que les fondateurs de ces monarchies les levaient.
  2. A. C. Entre l’administration des revenus d’un prince et de ceux d’un particulier.