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LETTRES PERSANES.


Romains. [1] Je vous enverrai encore un volume in-quarto, en forme d’explication d’un vers du sixième livre de l’Enéide de Virgile. Vous recevrez tout ceci dans quelques jours ; et, quant à présent, je me contente de vous envoyer ce fragment d’un ancien mythologiste grec, qui n’avait point paru jusques ici, et que j’ai découvert dans la poussière d’une bibliothèque. Je vous quitte pour une affaire importante que j’ai sur les bras : il s’agit de restituer un beau passage de Pline le naturaliste, que les copistes du cinquième siècle ont étrangement défiguré. Je suis, etc. »


FRAGMENT D’UN ANCIEN MYTHOLOGISTE.


« Dans une île près des Orcades, il naquit un enfant, qui avait pour père Éole, dieu des vents, et pour mère une nymphe de Calédonie. [2] On dit de lui qu’il apprit tout seul à compter avec ses doigts ; et que, dès l’âge de quatre ans, il distinguait si parfaitement les métaux, que sa mère ayant voulu lui donner une bague de laiton au lieu d’une d’or, il reconnut la tromperie, et la jeta par terre.

« Dès qu’il fut grand, son père lui apprit le secret d’enfermer les vents dans des outres, qu’il vendait ensuite à tous les voyageurs : mais, comme la marchandise n’était pas fort prisée dans son pays, il le quitta, et se mit à courir le monde, en compagnie de l’aveugle dieu du hasard.

« Il apprit, dans ses voyages, que, dans la Bétique, [3] l’or reluisait de toutes parts ; cela fit qu’il y précipita ses pas. Il y fut fort mal reçu de Saturne, qui régnait pour lors : mais ce dieu ayant quitté la terre, il s’avisa d’aller dans tous les carrefours, où il criait sans cesse d’une voix rauque : Peuples de Bétique,

  1. A. C. Recherchée par les Romains.
  2. Law, l’Écossais. Toute cette allégorie est la satire du Système. Conf. Esprit des lois, XXII, 10.
  3. La France.