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LETTRE CXLIII.


cesse entre de fausses espérances et des craintes ridicules : et, au lieu de s’appuyer sur la raison, ils se font des monstres qui les intimident, ou des fantômes qui les séduisent.

Quel effet veux-tu que produise l’arrangement de certaines lettres ? Quel effet veux-tu que leur dérangement puisse troubler ? Quelle relation ont-elles avec les vents, pour apaiser les tempêtes ; avec la poudre à canon, pour en vaincre l’effort ; avec ce que les médecins appellent l’humeur peccante, et la cause morbifique des maladies, pour les guérir ?

Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que ceux qui fatiguent leur raison pour lui faire rapporter de certains événements à des vertus occultes, n’ont pas un moindre effort à faire pour s’empêcher d’en voir la véritable cause.

Tu me diras que de certains prestiges ont fait gagner une bataille ; et moi, je te dirai qu’il faut que tu t’aveugles, pour ne pas trouver, dans la situation du terrain, dans le nombre ou dans le courage des soldats, dans l’expérience des capitaines, des causes suffisantes pour produire cet effet dont tu veux ignorer la cause.

Je te passe, pour un moment, qu’il y ait des prestiges : passe-moi, à mon tour, pour un moment, qu’il n’y en ait point ; car cela n’est pas impossible. Ce que tu m’accorde [1] n’empêche pas que deux armées ne puissent se battre : veux-tu que, dans ce cas-là, aucune des deux ne puisse remporter la victoire ?

Crois-tu que leur sort restera incertain, jusqu’à ce qu’une [2] puissance invisible vienne le déterminer ? que

  1. A. C. Cette concession que tu me fais, n’empêche pas.
  2. A. C. Jusqu’à ce que quelque puissance invisible.