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CHAPITRE X.


DE LA CORRUPTION DES ROMAINS.


Je crois que la secte d’Épicure, qui s’introduisit à Rome sur la fin de la République, contribua beaucoup à gâter le cœur et l’esprit des Romains[1]. Les Grecs en avaient été infatués avant eux. Aussi avaient-ils été plus tôt corrompus. Polybe nous dit que, de son temps, les serments ne pouvaient donner de la confiance pour un Grec, au lieu qu’un Romain en était, pour ainsi dire, enchaîné[2].

Il y a un fait dans les lettres de Cicéron à Atticus[3], qui nous montre[4] combien les Romains avaient changé à cet égard depuis le temps de Polybe.

« Memmius, dit-il, vient de communiquer au Sénat l’accord que son compétiteur et lui avaient fait avec les consuls, par lequel ceux-ci s’étaient engagés de les favoriser dans la poursuite du consulat pour l’année suivante ;

  1. Cynéas en ayant discouru à la table de Pyrrhus, Fabricius souhaita que les ennemis de Rome pussent tous prendre les principes d’une pareille secte. Plutarque, Vie de Pyrrhus. (M.)
  2. « Si vous prêtez aux Grecs un talent, avec dix promesses, dix cautions, autant de témoins, il est impossible qu’ils gardent leur foi ; mais, parmi les Romains, soit qu’on doive rendre compte des deniers publics ou de ceux des particuliers, on est fidèle, à cause du serment que l’on fait. On a donc sagement établi la crainte des enfers ; et c’est sans raison qu’on la combat aujourd’hui ; » Polybe, liv. VI, chap. LVI. (M.)
  3. Livre IV, lettre 18. (M.)
  4. A. Qui fait bien voir.