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ANALYSE RAISONNÉE


gers appelés et entretenus par des souverains, l'art de l’imprimerie, le théâtre français et la musique italienne répandus partout ; mais, qui plus est, la modération, les mœurs et les lumières, qui forment le caractère général de tous les souverains de nos jours, et, pour comble de prospérité, le chef [1] visible de notre religion, grand prince, et, pour mieux employer les expressions de notre auteur [2] : « l’homme le plus propre à honorer la nature humaine et à représenter la divine : » toutes ces combinaisons forment une si étroite liaison de l'Europe entière, que par ce grand nombre de rapports on peut dire qu’elle ne compose qu’un seul État, et qu’elle n’est, pour ainsi dire, qu’une grande famille dont tous les membres sont unis par une parfaite harmonie. Cette liaison peut être regardée comme un heureux présage, et presque un traité préliminaire du grand traité définitif de la diète européenne. Heureux les ministres qui auront l’honneur de cette signature, et plus heureux les souverains qui auront celui de la ratification, en stipulant par ce traité le bonheur éternel du genre humain ! C’est après cette signature qu’il faut ériger un mausolée à l’abbé de Saint-Pierre pour éterniser sa mémoire, en y gravant ces vers d’Euripide :

« O Paix, mère des richesses, la plus aimable des divinités, que je vous désire avec ardeur ! Que vous tardez à venir ! Que je crains que la vieillesse ne me surprenne avant que je puisse voir le temps heureux où tout retentira de nos chansons, et où, couronnés de fleurs, nous célébrerons des festins ! »

A la force défensive de chaque État est liée la force offensive. Celle-ci est réglée par le droit des gens ; c’est-à-dire par cette loi politique qui établit les rapports que les différentes nations ont entre elles. Le droit de la guerre et celui de con-

  1. Le pape Benoit XIV, Prosper Lambertini.
  2. Grandeur et décadence des Romains, chapitre XV. (Portrait de Trajan.)