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ANALYSE RAISONNÉE


à nous guérir des préjugés de la plupart de nos pères qui, pleins de cette idée fastueuse d’une législation dominatrice sur toute la terre, adoptèrent aveuglément les dispositions de ces mêmes empereurs qui, en manifestant leurs volontés par ces édits de majesté, semblaient avoir voulu en même temps déclarer leur inimitié envers la nature humaine !

Notre auteur, ayant ainsi développé les ressorts de la législation par rapport à la sûreté de la vie, s’attache à examiner les lois propres à assurer la propriété. C’est surtout dans la levée des tributs que cette propriété doit être assurée : c’est là le triomphe de la liberté politique par rapport au citoyen : le souverain lui-même, étant le plus grand citoyen de l'État, est le plus intéressé à favoriser la sûreté à cet égard.

Les vices d’administration dans la levée des tributs naissent, ou de leur excès, ou de leur répartition disproportionnée, ou des vexations dans la perception : vices qui blessent également la sûreté, et d’où par conséquent dérive cette maladie de langueur qui afflige tant les peuples.

Ainsi notre auteur, après avoir démontré le faux raisonnement de ceux qui disent que la grandeur des tributs est bonne par elle-même pour empêcher tout excès, fait voir combien il importe à un sage législateur d’avoir égard aux besoins des citoyens, afin de bien régler cette portion qu’on ôte, pour la sûreté publique, de la portion qu’on laisse aux sujets. Il veut que ces besoins soient réels, non imaginaires : c’est pourquoi il se déchaîne contre ces projets qui flattent tant ceux qui les forment, parce qu’ils ne voient qu’un bien qui n’est que momentané, sans s’apercevoir qu’ils obèrent par là l’État pour toujours.

Notre auteur fixe la proportion des tributs en raison de la liberté des sujets. Tout ce qu’il dit se plie à ces principes. Comme il a posé que les revenus de l’État ne sont que cette portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la sûreté de la portion dont il doit jouir, il est de la nature de la chose de lever les tributs à proportion de la liberté, et de les