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ANALYSE RAISONNÉE


caché, donne à chaque chose une place qu’on ne sauroit lui ôter, c’est à l’occasion de l’examen que fait notre auteur de cette relation des lois avec la nature du climat, qu’il traite de l’esclavage civil, domestique et politique.

L’esclavage civil, dit notre auteur, est l’établissement d’un droit qui rend un homme tellement propre à un autre homme, qu’il est le maître absolu de sa vie et de ses biens. L’esclavage domestique est cette servitude des femmes, établie non pour la famille, mais dans la famille. L’esclavage politique est cette servitude des nations qui sont dominées par un gouvernement despotique. C’est surtout dans l’examen de cette espèce d’esclavage politique que notre auteur excelle par des réflexions neuves et lumineuses.

On diroit que tout ce que notre auteur dit des lois dans leur rapport avec la nature du climat, surtout à l’égard de l’esclavage, est dicté plus par le cœur que par l’esprit, plus par un sentiment pour la religion que par des vues politiques ; tant on y cherche à exciter le travail des hommes et à encourager l’industrie ; tant on y recommande l’humanité, la douceur, la prévoyance, l’amour pour la partie de la nation même la plus vile ; tant on y est attentif à inspirer la pureté des mœurs.

Chose singulière ! on s’est d’abord déchaîné, par une impétuosité générale, contre notre auteur sur ce chapitre. Mais, ou il ne faut avoir lu cet ouvrage que par sauts, ou il faut très-peu d’équité pour accuser ici notre auteur.

Je ne présume pas assez de moi pour m’arroger le titre de défenseur de notre auteur. Il s’est déjà justifié lui-même, et il l'a fait avec cette modération propre à un esprit né pour dominer sur les autres. C’est un de ces habiles athlètes qui ne terrassent pas leurs adversaires, mais qui leur serrent si fort la main, qu’ils sont obligés de demander grâce et de quitter la partie.

D’ailleurs, comme, dans un ouvrage de raisonnement, des paroles et des phrases, et souvent des pages entières ne signifient rien par elles-mêmes, et dépendent de la liaison qu’elles