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DE L’ESPRIT DES LOIS.


qu'il se garde bien d’en justifier les usages [1]. Il prouve que la polygamie n’est utile ni au genre humain, ni à aucun des deux sexes ; au contraire, qu’elle est par sa nature et en elle-même une chose mauvaise, et il en fait sentir les funestes suites [2].

Enfin il fait voir que quand la puissance physique de certains climats viole la loi naturelle des deux sexes, c’est au législateur à faire des lois civiles qui forcent la nature du climat, et rétablissent les lois primitives de la pudeur naturelle [3].

Si les lois doivent être relatives aux divers climats, glacés, brûlants ou tempérés, surtout pour s’opposer à leurs vices, il faut aussi qu'elles se rapportent à la nature du terroir. Notre auteur, en les examinant dans ce second rapport, ouvre un des plus beaux spectacles de la nature, qui, dans ses variétés mêmes, ne laisse pas de suivre une espèce de méthode. Il nous fait voir comment cette sage ordonnatrice a su faire dépendre souvent la liberté, les mœurs, le droit civil, le droit politique, le droit des gens, le nombre des habitants, leur industrie, leur courage, de la qualité du terroir, soit fertile, stérile, inculte ou marécageux ; de sa situation, soit des montagnes, des plaines ou des îles ; du genre de vie des peuples, soit laboureurs, chasseurs ou pasteurs. Il pénètre si à fond dans les rapports différents des lois avec la qualité du terroir, qu’on diroit que la nature aime à lui confier ses plus intimes secrets.

Pour faire mieux sentir ces rapports, notre auteur se dépayse. Tantôt il suit les hordes des Tartares ; tantôt il se promène dans les immenses plaines des Arabes, au milieu de leurs troupeaux ; tantôt il se plaît à voir chez les sauvages de l’Amérique les femmes qui cultivent autour de la cabane un morceau de terre, tandis que leurs maris s’occupent à la

  1. Liv. XVI, ch. IV.
  2. Ibid., ch. VI.
  3. Ibid., ch. XII.