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ANALYSE RAISONNÉE


la modération et de la douceur des gouvernements de nos jours, le change a appris à comparer toutes les monnoies du monde, et à les mettre à leur juste valeur. Le titre des monnoies ne peut plus être un secret. Si un État commence le billon, tout le monde continue, et le fait pour lui. Les espèces fortes sortent d’abord, et on les lui renvoie foibles. Ainsi ces sortes de violences ne feroient que dessécher les racines du commerce, et éteindre le germe même de son existence. Le change empêche les grands coups d’autorité, et rend inutiles les lois qui blesseroient la liberté de disposer de ses effets ; enfin le change gêne le despotisme.

Les banquiers sont faits pour changer de l’argent, et non pas pour en prêter. Ainsi notre auteur les trouve utiles lorsque le prince ne s'en sert que pour changer, et comme le prince ne fait que de grosses affaires, le moindre profit fait un grand objet pour le banquier même. Si, au contraire, on les emploie à faire des avances, ils chargent le prince de gros intérêts, sans qu’on puisse les accuser d’usure.

L’esprit supérieur de notre auteur ramène tout aux premiers principes ; il aperçoit dans chaque matière l’origine des abus et leur remède. Ainsi, parlant des dettes de l'État, après avoir fait sentir l’importance de ne point confondre un papier circulant qui représente la monnoie, avec un papier qui représente la dette d’une nation, il fait voir les conséquences de ces dettes et les moyens de les payer sans fouler ni l’État ni les particuliers, et sans détruire la confiance publique, dont on a un souverain besoin, étant la seule et vraie richesse de l’État. Il fait aussi sentir combien il est essentiel que l’État accorde une singulière protection à ses créanciers, si on ne veut jeter la nation dans les convulsions les plus dangereuses et sans remède.

Quant au prêt de l'argent à intérêt, il remarque que, si cet intérêt est trop haut, le négociant, qui voit qu’il lui coûteroit plus en intérêt qu’il ne pourroit gagner dans le commerce, n’entreprend rien. Si l’intérêt est trop bas, personne ne prête.