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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Jusqu’ici, en considérant chaque gouvernement tant en lui-même que dans son rapport aux autres, nous n’avons eu égard ni à ce qui doit leur être commun, ni aux circonstances particulières, tirées ou de la nature du pays, ou du génie des peuples : c’est ce qu’il faut maintenant développer.

La loi commune de tous les gouvernements, du moins des gouvernements modérés, et par conséquent justes, est la liberté politique dont chaque citoyen doit jouir. Cette liberté n’est point la licence absurde défaire tout ce qu’on veut, mais le pouvoir de faire tout ce que les lois permettent. Elle peut être envisagée, ou dans son rapport à la constitution, ou dans son rapport au citoyen.

Il y a dans la constitution de chaque État deux sortes de pouvoirs : la puissance législative et l’exécutrice ; et cette dernière a deux objets : l’intérieur de l’État et le dehors. C’est de la distribution légitime et de la répartition convenable de ces différentes espèces de pouvoirs que dépend la plus grande perfection de la liberté politique par rapport à la constitution. M. de Montesquieu en apporte pour preuve la constitution de la république romaine et celle de l’Angleterre. Il trouve le principe de celle-ci dans cette loi fondamentale du gouvernement des anciens Germains, que les affaires peu importantes y étoient décidées par les chefs, et que les grandes étoient portées au tribunal de la nation, après avoir auparavant été agitées par les chefs. M. de Montesquieu n’examine point si les Anglois jouissent ou non de cette extrême liberté politique que leur constitution leur donne ; il lui suffit qu’elle soit établie par leurs lois. Il est encore plus éloigné de vouloir faire la satire des autres États : il croit au contraire que l'excès, même dans le bien, n’est pas toujours désirable ; que la liberté extrême a ses inconvénients comme l’extrême servitude ; et qu’en général la nature humaine s’accommode mieux d’un État moyen.

La liberté politique, considérée par rapport au citoyen, consiste dans la sureté où il est, à l’abri des lois ; ou du moins dans l’opinion de cette sûreté, qui fait qu’un citoyen n’en