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LIVRE II, CHAP. II.


qu’il l'est dans une monarchie de savoir quel est le monarque, et de quelle manière il doit gouverner.

Libanius [1] dit que à Athènes un étranger qui se mêloit dans l'assemblée du peuple, étoit puni de mort. C’est qu’un tel homme usurpoît le droit de souveraineté.

II est essentiel de fixer le nombre des citoyens qui doivent former les assemblées ; sans cela, on pourroit ignorer si le peuple a parlé, ou seulement une partie du peuple. A Lacédémone, il falloit dix mille citoyens. A Rome, née dans la petitesse pour aller à la grandeur ; à Rome, faite pour éprouver toutes les vicissitudes de la fortune ; à Rome, qui avoit tantôt presque tous ses citoyens hors de ses murailles, tantôt toute l’Italie et une partie de la terre dans ses murailles, on n’avoit point fixé ce nombre [2] ; et ce fut une des grandes causes de sa ruine.

Le peuple qui a la souveraine puissance doit faire par lui-même tout ce qu’il peut bien faire ; et ce qu’il ne peut pas bien faire, il faut qu’il le fasse par ses ministres.

Ses ministres ne sont point à lui s’il ne les nomme : c’est donc une maxime fondamentale de ce gouvernement, que le peuple nomme ses ministres, c’est-à-dire ses magistrats.

Il a besoin, comme les monarques, et même plus qu’eux, d’être conduit par un conseil ou sénat [3]. Mais, pour qu’il y ait confiance, il faut qu’il en élise les membres ; soit qu’il les choisisse lui-même, comme à Athènes ; ou par quelque magistrat qu’il a établi pour les

  1. Déclamations 17 et 18. (M.)
  2. Voyez les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, ch. IX. (M.)
  3. Aristote, Politique, liv. VI, chap. II