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CHAPITRE III.


DES LOIS RELATIVES A LA NATURE
DE L'ARISTOCRATIE.


Dans l'aristocratie [1], la souveraine puissance est entre les mains d’un certain nombre de personnes. Ce sont elles qui font les lois et qui les font exécuter ; et le reste du peuple n’est tout au plus à leur égard que, comme dans une monarchie, les sujets sont à l’égard du monarque.

On n’y doit point donner le suffrage par sort ; on n’en auroit que les inconvénients. En effet, dans un gouvernement qui a déjà établi les distinctions les plus affligeantes, quand on seroit choisi par le sort, on n’en seroit pas moins odieux : c’est le noble qu’on envie, et non pas le magistrat.

Lorsque les nobles sont en grand nombre, il faut un sénat qui règle les affaires que le corps des nobles ne sauroit décider, et qui prépare celles dont il décide. Dans ce cas, on peut dire que l’aristocratie est en quelque sorte dans le sénat, la démocratie dans le corps des nobles, et que le peuple n’est rien [2].

Ce sera une chose très-heureuse dans l’aristocratie, si, par quelque voie indirecte, on fait sortir le peuple de

  1. C'est Venise que Montesquieu a sous les yeux quand il parle de l'aristocratie.
  2. C’est la constitution de Venise : le grand conseil ou corps des nobles, et le sénat.