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VIII
INTRODUCTION


et son rôle politique [1], il a senti que les révolutions du commerce atteignaient la société tout entière, et en modifiaient les idées et les institutions. C’était une vue particulière qui avait occupé longtemps Montesquieu [2] ; aussi y attachait-il une grande importance, et avait-il eu soin de faire dresser une carte géographique pour servir à l'intelligence des articles qui concernent le commerce [3], carte qu’on a eu tort de supprimer dans les éditions modernes, car elle seule permst de suivre et de comprendre l’auteur, quand il recherche les principales différences du commerce des anciens avec celui de son temps [4].

Une fois qu’on connaît le plan suivi par Montesquieu, il est aisé de résoudre un problème, que trop peu de gens se sont posé, avant de critiquer l'Esprit des lois. Qu’est-ce que Montesquieu a voulu faire ? Une histoire du droit, c est-à-dire une explication du passé, servant de leçon à l’avenir ? Une philosophie de la politique, c’est-à-dire un système établissant des règles invariables à l’usage des gouvernements futurs ? C’est en ce dernier sens qu’on l’entend et qu’on le cite d’ordinaire ; il est difficile de se méprendre plus complètement sur la pensée de l’auteur.

Dès le début, Montesquieu s’est plaint qu’on ne voulait pas l’entendre. Ce n’est pas mon livre qu’on critique, disait-il, c’est celui qu’on a dans la tête ; et il ajoutait :


« Comment a-t-on pu manquer ainsi le sujet et le but d'un ouvrage qu'on avoit devant les yeux ? Ceux qui auront quelques lumières verront, du premier coup d'œil, que cet ouvrage a pour objet les lois, les coutumes et les divers usages de tous les peuples de la terre. On peut dire que le sujet en est immense, puisqu'il embrasse toutes les institutions qui sont reçues parmi les hommes ; puisque l’auteur distingue ces institutions ; qu'il examine celles qui conviennent le plus à la société, et à chaque société ; qu’il en cherche l’origine ; qu’il en découvre les causes physiques et morales ; qu'il examine celles qui ont un degré de bonté par elles-mêmes, et

  1. Esprit des lois, XXII, X et XVI.
  2. ibid., XXI, XVIII, note 1.
  3. Titre de l'édition de 1749.
  4. Voyez le livre XXI tout entier.