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CHAPITRE III.


DANS QUELS GOUVERNEMENTS ET DANS QUELS CAS
ON DOIT JUGER
SELON UN TEXTE PRÉCIS DE LA LOI


Plus le gouvernement approche de la république, plus la manière de juger devient fixe ; et c'étoit un vice de la république de Lacédémone, que les éphores jugeassent arbitrairement, sans qu'il y eût des lois pour les diriger. A Rome, les premiers consuls jugèrent comme les éphores [1] : on en sentit les inconvénients, et l'on fit des lois précises.

Dans les États despotiques, il n'y a point de loi : le juge est lui-même sa règle. Dans les États monarchiques, il y a une loi : et là où elle est précise, le juge la suit ; là où elle ne l'est pas, il en cherche l'esprit. Dans le gouvernement républicain il est de la nature de la constitution que les juges suivent la lettre de la loi. Il n'y a point de citoyen contre qui on puisse interpréter une loi, quand il s'agit de ses biens, de son honneur, ou de sa vie [2].

A Rome, les juges prononçoient seulement que l'accusé étoit coupable d'un certain crime, et la peine se trouvoit dans la loi, comme on le voit dans diverses lois qui furent

  1. Il y avait des coutumes, mores majorum, qui n'étaient pas moins certaines que des lois.
  2. Beccaria, Des délits et des peines, chap. IV.