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CHAPITRE XVII.


DE LA TORTURE OU QUESTION CONTRE LES CRIMINELS [1].


Parce que les hommes sont méchants, la loi est obligée de les supposer meilleurs qu'ils ne sont. Ainsi la déposition de deux témoins suffit dans la punition de tous les crimes. La loi les croit, comme s’ils parloient par la bouche de la vérité. L’on juge aussi que tout enfant, conçu pendant le mariage, est légitime ; la loi a confiance en la mère comme si elle étoit la pudicité même. Mais la question contre les criminels n’est pas dans un cas forcé comme ceux-ci. Nous voyons aujourd’hui une nation [2] très-bien policée la rejeter sans inconvénient. Elle n’est donc pas nécessaire par sa nature [3].

Tant d’habiles gens et tant de beaux génies ont écrit contre cette pratique [4], que je n’ose parler après eux [5].

  1. A. B. De la question ou torture, etc.
  2. La nation angloise. (M.)
  3. Les citoyens d’Athènes ne pouvoient être mis à la question (Lysias, Orat. in Argorat.), excepté dans le crime de lèse-majesté. On donnoit la question trente jours après la condamnation. (Curius Fortunatus, Rhetor, scol, liv. II.) Il n'y avoit pas de question préparatoire. Quant aux Romains, la loi 3 et 4 ad leg, Juliam majest. fait voir que la naissance, la dignité, la profession de la milice garantissoient de la question, si ce n’est dans le cas de crime de lèse-majesté. Voyez les sages restrictions que les lois des Wisigoths mettoient à cette pratique. (M.)
  4. A. B. Ont écrit contre l'usage de la torture, que, etc. La correction est faite dans l'édition de 1751.
  5. Augustin Nicolas, conseiller au parlement de Besançon, doit être cité