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CHAPITRE VII.


FATALE CONSÉQUENCE DU LUXE A LA CHINE.


On voit dans l’histoire de la Chine qu’elle a eu vingt-deux dynasties qui se sont succédé ; c’est-à-dire qu’elle a éprouvé vingt-deux révolutions générales, sans compter une infinité de particulières. Les trois premières dynasties durèrent assez longtemps, parce qu’elles furent sagement gouvernées, et que l’empire étoit moins étendu qu’il ne le fut depuis. Mais on peut dire en général que toutes ces dynasties commencèrent assez bien. La vertu, l’attention, la vigilance, sont nécessaires à la Chine ; elles y étoient dans le commencement des dynasties, et elles manquoient à la fin. En effet, il étoit naturel que des empereurs, nourris dans les fatigues de la guerre, qui parvenoient à faire descendre du trône une famille noyée dans les délices, conservassent la vertu qu’ils avoient éprouvée si utile, et craignissent les voluptés qu’ils avoient vues si funestes. Mais, après ces trois ou quatre premiers princes, la corruption, le luxe, l’oisiveté, les délices, s’emparent des successeurs ; ils s’enferment dans le palais, leur esprit s’affoiblit, leur vie s’accourcit, la famille décline ; les grands s’élèvent, les eunuques s’accréditent, on ne met sur le trône que des enfants ; le palais devient ennemi de l’empire ; un peuple oisif qui l’habite ruine celui qui travaille,