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CHAPITRE XIII.


EFFET DU SERMENT CHEZ UN PEUPLE VERTUEUX.


Il n’y a point eu de peuple, dit Tite-Live [1], où la dissolution se soit plus tard introduite que chez les Romains, et où la modération et la pauvreté aient été plus longtemps honorées.

Le serment eut tant de force chez ce peuple, que rien ne l’attacha plus aux lois. Il fit bien des fois pour l’observer ce qu’il n’auroit jamais fait pour la gloire ni pour la patrie [2].

Quintius Cincinnatus, consul, ayant voulu lever une armée dans la ville contre les Èques et les Voisques, les tribuns s’y opposèrent. « Eh bien, dit-il, que tous ceux qui ont fait serment au consul de l’année précédente marchent sous mes enseignes [3]. » En vain les tribuns s’écrièrent-ils qu’on n’étoit plus lié par ce serment ; que, quand on l’avoit fait, Quintius étoit un homme privé : le peuple fut

  1. Liv. I In prœfat. (M.)
  2. Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains, chap. I.
  3. Tite-Live,liv. III, C. XX. (M.) — Quintius n'eut garde de tenir ua pareil discours. Si ceux à qui il parloit eussent prêté serment au consul de l'année précédente, ils auroient été libres de leur engagement, car, dans les premiers temps de la République, les Romains ne s'enrôloient que pour une campagne. Mais Cincinnatus étoit consul substitué en la place de P. Valerius qui avait été tué au commencement de l'année ; et ce sont les soldats de P. Valerius qu’il rappelle au drapeau. (CRÉVIER.)