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LIVRE X, CHAP. XIV.


l’empire de l'univers plutôt le prix de la course, comme dans les jeux de la Grèce, que le prix de la victoire.

C’est ainsi qu’il fit ses conquêtes [1] ; voyons comment il les conserva,

Il résista à ceux qui vouloient qu’il traitât [2] les Grecs comme maîtres, et les Perses comme esclaves ; il ne songea qu’à unir les deux nations, et à faire perdre les distinctions du peuple conquérant et du peuple vaincu. Il abandonna, après la conquête, tous les préjugés qui lui avoient servi à la faire. Il prit les mœurs des Perses, pour ne pas désoler les Perses en leur faisant prendre les mœurs des Grecs. C’est ce qui fit qu’il marqua tant de respect pour la femme et pour la mère de Darius, et qu’il montra tant de continence [3]. Qu’est-ce que ce conquérant qui est pleuré de tous les peuples qu’il a soumis ? Qu’est-ce que cet usurpateur, sur la mort duquel la famille qu’il a renversée du trône verse des larmes ? C’est un trait de cette vie, dont les historiens ne nous disent pas que quelque autre conquérant puisse se vanter [4].

Rien n’affermit plus une conquête que l’union qui se fait des deux peuples par les mariages [5]. Alexandre prit des femmes de la nation qu’il avoit vaincue ; il voulut que ceux de sa cour [6] en prissent aussi ; le reste des Macédoniens suivit cet exemple. Les Francs et les Bourguignons [7]

  1. A. B. Voilà comment il fit ses conquêtes ; il faut voir comment il les conserva.
  2. C’étoit le conseil d'Aristote. Plutarque, Œuvres morales : De la fortune d’Alexandre. (M.)
  3. A. B. Ajoutent : C’est ce qui le fit tant regretter des Perses.
  4. A. B. Se puisse vanter.
  5. A. B. Par des mariages.
  6. Voyez Arrien, De exped. Alex., lib. VII. (M.)
  7. Voyez la loi des Bourguignons, tit. XII, art. v. (M.)