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XLI
A L’ESPRIT DES LOIS.


Mais je ne crois pas que ces observations aient été imprimées du vivant de Montesquieu.

Tout le bruit qui se faisait autour de son livre avait attristé le président. Il se plaignait de n’être pas compris ; il sentait qu’il était trop sérieux pour la frivolité des salons de Paris.


« S’il m’est permis de prédire la fortune de mon ouvrage, écrit-il dans une note qui nous a été conservée [1], il sera plus approuvé que lu. De pareilles lectures peuvent être un plaisir, elles ne sont jamais un amusement. J'avois conçu le dessoin de donner plus d'étendue et de profondeur à quelques endroit de mon Esprit : j'en suis devenu incapable ; mes lectures m'ont affoibli les yeux, et il me semble que ce qu'il me reste encore de lumière n’est que l'aurore du jour où ils se fermeront pour jamais. »


Pour être complet, il me resterait à indiquer quelques ouvrages publiés du vivant de Montesquieu, mais dont il ne parle pas dans ce qui nous reste de sa correspondance. Telles sont les cinq lettres de La Beaumelle sur l’Esprit des lois. C’est une apologie enthousiaste du livre et de l’auteur. La partie la plus curieuse est celle où La Beaumelle, qui vivait alors à Copenhague, démontre que la royauté absolue du Danemark n’a rien de commun avec le despotisme, tel que l'entend Montesquieu.

Ces lettres ont paru en 1753, à la suite d’un ouvrage intitulé : Extrait du livre de l'Esprit des lois, chapitre par chapitre, avec des remarques sur quelques endroits particuliers de ce livre, et une idée de toutes les critiques qui en ont étè faites [2]. Ces remarques, qu’on attribue à Forbonnais, sont d’un esprit modéré et craintif. Le critique est un partisan de l’abbé Du Bos, un Français de bonne souche qui n’admire que son pays, et qui regarde avec effroi les désordres de la liberté anglaise. La hardiesse de Montesquieu l’effraye, mais il se sent attiré vers ce grand esprit, et n’en parle qu’avec respect.

Citerai-je encore l’essai du comte G. de Cataneo, gen-

  1. Pensées de Montesquieu.
  2. Un volume in-12, Amsterdam, chez Arkstée et Merkus, 1753.