Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
XLII
INTRODUCTION


tilhomme vénitien au service de Frédéric II ? La source, la force et le véritable esprit des lois, pour servir de réponse au livre de l’Esprit des lois et de l'Homme machine [1], est une œuvre insignifiante et prétentieuse, écrite dans une langue qui n’est ni du français, ni de l’italien. Tout en déclarant, dans son jargon, que le style de l'Esprit des lois est un torrent de lait, détrempé d’excellent vin de Champagne, Cataneo cherche à se faire valoir en montrant qu’il en sait plus long que Montesquieu, et que s’il avait fait l'Esprit des lois, il l’aurait compris tout autrement. C’est le défaut général des critiques de lEsprit des lois ; on est trop souvent tenté de leur appliquer le mot si fin et si juste de Montesquieu, écrivant à l’abbé de Guasco : « A l’égard du plan que le petit ministre de Wurtemberg voudrait que j’eusse suivi dans un ouvrage qui porte le titre d’Esprit des lois, répondez-lui que mon intention a été de faire mon ouvrage et non pas le sien [2]. »


§ IV. COMMENT L'ESPRIT DES LOIS FUT-IL REÇU A L’ÉTRANGER ?


« Pendant que les insectes tourmentaient M. de Montesquieu dans son propre pays » (on reconnaît le style de d’Alembert), l’Europe entière accueillait avec faveur le nouveau chef-d’œuvre du maître. L’étranger, qui n’est pas mêlé aux petites jalousies locales, est toujours mieux placé pour juger un livre ; son impartialité lui permet de jouer à quelques égards le rôle de la postérité. A Vienne seulement, on eut des inquiétudes ; le bruit courait que les Jésuites avaient eu le crédit de faire défendre la vente de l'Esprit des lois, « sachant bien, écrit Montesquieu, que je n’y étois pas pour dire mes raisons ; tout cela dans l’objet de pouvoir dire à

  1. Un vol. in-12 de 221 pages. A la Haye, chez M. F. L. Varon, libraire dans le Poste, 1750.
  2. Lettre à l'abbé de Guasco, Paris, 1750.