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LXVI
INTRODUCTION


est un des magistrats les plus remarquables du XVIIIe siècle. Il fut un des premiers à réclamer pour les protestants un état civil, c’est-à-dire la fin d’une odieuse et lâche persécution. Son réquisitoire contre les jésuites, lors de la suppression de la société, est resté célèbre. Monclar avait écrit de bons mémoires sur les finances, et on lui offrit, dit-on, la place de contrôleur général. Par ses idées, par ses études, par son caractère, il est de la génération à laquelle appartient Montesquieu. Il serait intéressant d’écrire sa biographie ; elle nous ferait connaître une partie du XVIIIe siècle, qu’on a tort de laisser dans l'ombre. Nous n’avons que trop de détails sur Louis XV et sa cour ; nous ne savons presque rien de la vie laborieuse que menaient ces magistrats de province, qui luttaient contre les prétentions des ministres, des financiers, du clergé. Montesquieu n’est pas un génie solitaire, qui s’est formé en dehors de toute influence. C’est un magistrat, un parlementaire, en même temps qu’un politique et un philosophe. Il ne faut pas le détacher du corps qu’il a honoré, il en a conservé l'esprit et quelquefois même les préjugés.

Quant au travail de M. de Monclar, travail qui s’arrête avec le XIe livre de l'Esprit des lois, il nous montre en quelle estime les contemporains tenaient Montesquieu, et en même temps il nous prouve que le procureur général de Provence était un esprit, je ne dirai pas de même force, mais de même trempe que le président de Bordeaux. Par malheur ce commentaire est trop court, et se tient trop dans les définitions pour que nous en ayons rien tiré d’utile à notre commentaire. Le jugement d’ensemble sur Montesquieu est curieux ; on y sent le jurisconsulte qui ne pardonne pas à l’auteur d’avoir sacrifié à l’histoire et à la philosophie, «  Ce n’est pas, dit-il, que je veuille accuser l’auteur d’indifférence pour la morale ; son cœur, qu’il a peint dans cet ouvrage, n’est pas moins estimable que son esprit ; mais son livre n’instruit point assez sur les bornes du juste et de l’injuste. Il traite volontiers la difficulté par les inconvénients et les conséquences, et il examine trop