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LIVRE XI, CHAP. VI.


Anglois ont tiré l'idée de leur gouvernement politique. Ce beau système a été trouvé dans les bois.

Comme toutes les choses humaines ont une fin, l’État dont nous parlons perdra sa liberté, il périra. Rome, Lacédémone et Carthage ont bien péri. Il périra lorsque la puissance législative sera plus corrompue que l’exécutrice.

Ce n’est point à moi à examiner si les Anglois jouissent actuellement de cette liberté, ou non. Il me suffit de dire qu’elle est établie par leurs lois, et je n’en cherche pas davantage.

Je ne prétends point par là ravaler les autres gouvernements, ni dire que cette liberté politique extrême doive mortifier ceux qui n’en ont qu’une modérée. Comment dirois-je cela, moi qui crois que l’excès même de la raison n’est pas toujours désirable, et que les hommes s’accommodent presque toujours mieux des milieux que des extrémités ?

Harrington [1] dans son Océana a aussi examiné quel étoit le plus haut point de liberté où la constitution d’un État peut être portée. Mais on peut dire de lui qu’il n’a cherché cette liberté qu’après l’avoir méconnue, et qu’il a bâti Chalcédoine, ayant le rivage de Byzance devant les yeux [2].

  1. Harrington s’était prononcé pour la république.
  2. Allusion au mot de Mégabyse, rapporté par Hérodote, liv. IV, ch. CXLIV.
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