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CHAPITRE XV.


COMMENT, DANS L’ÉTAT FLORISSANT DE LA RÉPUBLIQUE,
ROME PERDIT TOUT A COUP SA LIBERTÉ.


Dans le feu des disputes entre les patriciens et les plébéiens, ceux-ci demandèrent que l'on donnât des lois fixes, afin que les jugements ne fussent plus l’effet d'une volonté capricieuse, ou d’un pouvoir arbitraire. Après bien des résistances, le sénat y acquiesça. Pour composer ces lois, on nomma des décemvirs [1]. On crut qu’on devoit leur accorder un grand pouvoir, parce qu’ils avoient à donner des lois à des partis qui étoient presque incompatibles. On suspendit la nomination de tous les magistrats ; et dans les comices, ils furent élus seuls administrateurs de la république [2]. Ils se trouvèrent revêtus de la puissance consulaire et de la puissance tribunitienne [3]. L’une leur donnoit le droit d’assembler le sénat ; l'autre, celui d’assembler le peuple ; mais ils ne convoquèrent ni le sénat, ni le peuple. Dix hommes dans la république eurent seuls [4]

  1. L'an de Rome 302.
  2. Tite-Live, III, c. XXXII. Placet creari decemviros sine provovations, et ne quis eo anno alius magistratus esset.
  3. Ils avoient une puissance plus que consulaire, et ils ne possédoient pas la puissance tribunitienne, mais ils en éioient débarrassés. M. de Montesquieu transporte aux déceinvirs ce qui fut ordonné plus de quatre siècles après en faveur des empereurs. (CRÉVIER.)
  4. Ceci n'est point exact. Les consuls avaient le droit de convoquer les comices centuries, et, si l'on en croit Denys d’Halicarnasse, liv. X, les tri-