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LIVRE XXIII, CHAP. XXI.


De ce premier objet vinrent ces lois qui donnèrent une telle autorité aux évèques, qu’elles ont été le fondement de la juridiction ecclésiastique : de là ces lois qui affoiblirent l'autorité paternelle [1], en ôtant au père la propriété des biens de ses enfants. Pour étendre une religion nouvelle, il faut ôter l’extrême dépendance des enfants, qui tiennent toujours moins à ce qui est établi.

Les lois faites dans l’objet de la perfection chrétienne, furent surtout celles par lesquelles il ôta les peines des lois Papiennes [2] et en exempta, tant ceux qui n’étoient point mariés, que ceux qui, étant mariés, n’avoient pas d’enfants.

« Ces lois avoient été établies, dit un historien [3] ecclésiastique, comme si la multiplication de l’espèce humaine pouvoit être un effet de nos soins ; au lieu de voir que ce nombre croît et décroît selon l’ordre de la Providence [4]. »

Les principes de la religion ont extrêmement influé sur la propagation de l’espèce humaine : tantôt ils l’ont encouragée, comme chez les Juifs [5], les Mahométans, les

  1. Voyez la loi 1, 2 et 3, au Cod. Théod, de bonis maternis generis, etc., et la loi unique, au même Code, de bonis quœ filiis famil. acquiruntur. (M.)
  2. L unic. Cod. Théod. de infirm. pœn. cœlib, et orbit
  3. Sozomène, liv. I. ch. IX. (M.)
  4. Montesquieu sait mieux que personne ce qu il y a de peu solide dans la raison donnée par Sozomène, mais il me parait injuste envers les lois des empereurs chrétiens. Les lois Papiennes étaient des mesures sans force ; ce n*est pas par des lois qu’on rétablit les mœurs chez un peuple gangrené de luxe et de misère ; les lois chrétiennes étaient plus favorables à la propagation de l’espèce. Si elles exaltaient le célibat, il n’en est pas moins vrai qu'en ramenant la pureté des mœurs, elles coupaient la racine du mal, et protégeaient la fécondité des mariages. Ce n’est pas l'abrogation des lois Julia et Papia Poppea, ce sont les lois fiscales, et les invasions des barbares, qui ont amené la dépopulation et la ruine de l'empire.
  5. La stérilité y était en opprobre ; voyez l'histoire de Sara.