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LIVRE XXII, CHAP. II.


ceux qui voudroient de l’argent en auroient du trésor public, en obligeant des fonds pour le double. Sous César, les fonds de terre furent la monnoie qui paya toutes les dettes ; sous Tibère, dix mille sesterces en fonds devinrent une monnoie commune, comme cinq mille sesterces en argent.

La grande chartre d’Angleterre défend de saisir les terres ou les revenus d’un débiteur, lorsque ses biens mobiliers ou personnels suffisent pour le paiement, et qu’il offre de les donner : pour lors, tous les biens d’un Anglois représentoient de l’argent.

Les lois des Germains apprécièrent en argent les satisfactions pour les torts que l'on avoit faits, et pour les peines des crimes [1]. Mais comme il y avoit très-peu d’argent dans le pays, elles réapprécièrent l’argent en denrées ou en bétail. Ceci se trouve fixé dans sa loi des Saxons, avec de certaines différences, suivant l’aisance et la commodité des divers peuples. D'abord [2] la loi déclare la valeur du sou en bétail : le sou de deux trémisses se rapportoit à un bœuf de douze mois, ou à une brebis avec son agneau ; celui de trois trémisses valoit un bœuf de seize mois. Chez ces peuples, la monnoie devenoit bétail, marchandise ou denrée ; et ces choses devenoient monnoie.

Non-seulement l’argent est un signe des choses, il est encore un signe de l’argent, et représente l’argent, comme nous le verrons au chapitre du change.

  1. Tacite, de Morih. germ., C. XII et XXI.
  2. Loi des Saxons, C. XVIII. (M.)
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